« Votre enfant est différent Madame … il est très intelligent mais est très dynamique et ne respecte pas les règles de classe, il est dans son monde. Son comportement énerve ses camarades et les enseignants. Il serait bien de savoir ce qu’il a ! ». Combien de fois n’ai-je pas entendu cette phrase ou quelque chose du genre avant d’obtenir un diagnostic tardif de trouble du spectre autistique (TSA). Tout est question d’environnement et de perception ! Malheureusement, en attendant le diagnostic du TSA, la non-compréhension des adultes ou des enfants font des dégâts importants sur l’état psychique de l’enfant (voir article Quel impact ont les croyances des parents/enseignements sur les enfants ?)
Le diagnostic de troubles du spectre autistique (TSA) sans déficience intellectuelle (anciennement syndrome d’Asperger) est venu tardivement. Mon fils avait déjà 13 ans, lorsqu’il était en 9ème primaire.
Ce qui m’a impressionné après le diagnostic, c’est la réaction de beaucoup de personnes. En effet, les reproches et les remarques sur son comportement ont laissé la place à la compassion et aux compliments sur son adaptabilité. Pourtant d’un jour à l’autre, mon fils est resté le même ! Comment expliquer cela ? Ne peut-on pas accepter l’enfant directement tel qu’il est, avec ou sans diagnostic TSA ?
Une grande partie de la réponse vient de deux facteurs :
- la perception que l’on peut avoir sur une situation, selon nos valeurs et nos croyances
- l’environnement dans lequel un comportement est fait
L’environnement
En effet, chaque individu, avec ou sans handicap, a des traits de caractères et un fonctionnement propre à lui. Selon l’environnement dans lequel il évolue, ces caractéristiques peut être aidantes, limitantes ou ne pas avoir d’impact particulier.
Par exemple, de nature optimiste et joyeux, mon fils voit généralement le positif partout et aimerait que tout le monde soit tout le temps content. Dans un parc d’attraction, quand je vois les parents qui s’énervent sur leurs enfants, lui voit que des enfants contents qui s’amusent, occultant totalement le reste. Dans beaucoup de cas, c’est un avantage. Cependant, à l’école, lorsque ses camarades ne semblent plus s’amuser (ce qui arrive assez souvent), celui-ci raconte une blague pour faire rire ses camarades. Cela fonctionne assez bien mais n’est pas vraiment au goût des enseignants.
Pour comprendre ces enfants, il faut aller voir au-delà des apparences. Il y a toujours une raison.
La perception
La curiosité et une mémoire d’éléphant
Perception de maman d’un enfant TSA
Curieux, mon fils s’intéresse à tout. Depuis petit, il emmagasine une quantité de donnée invraisemblable. Des reptiles, au foot en passant par la musique ou encore les parcs d’attraction, il sait tout par coeur et dans ses moindre détails ! Une mémoire d’éléphant. Il a certainement du haut de ses 17ans plus de culture générale que beaucoup d’adultes. Pour l’accompagner correctement, j’ai dû accepter qu’il en sache plus que moi sur beaucoup de choses. Savoir dire « Je ne sais pas, on va regarder ensemble sur wikipedia ! » est important. J’ai appris énormément avec lui !
Perception de certaines personnes
Mon fils dit à haute voix ce qu’il pense, même si c’est des vérités qui font mal. Déjà petit, sur certains sujets, il en savait parfois plus que certaines personnes. Le fait d’apprendre d’un enfant demande beaucoup d’humilité et peut déranger. Par conséquent, l’étiquette d’enfant « insolent » a souvent été mise.
Les intérêts restreints et la pensée en détail
Perception de maman d’un enfant TSA
Les sujets du moment qui l’intéressent prennent beaucoup de place. Il parle que de ça et dans les moindre détails. Mon rôle a été de lui apprendre à globaliser ses propos et que les autres personnes ont d’autres centres d’intérêts et peuvent vite se lasser s’il parle toujours du même sujet. S’il veut être écouté, il doit aussi apprendre à écouter les autres. L’apprentissage a été dans les deux sens, car en retour, j’ai dû également apprendre à m’intéresser sincèrement et activement à des thèmes qui me passionnent que moyennement. Pas si facile, même pour un neurotypique !
Perception de certaines personnes
Sa pensée va toujours vers le détail du détail. A 5 ans, lorsque sa maîtresse expliquait à la classe qu’ils devaient apporter un coussin pour la semaine de la lecture, il demandait s’il pouvait prendre son duvet. Devant le refus de l’enseignante et son incapacité à donner une réponse adéquate, il insistait ne comprenant pas pourquoi il devait prendre son coussin mais pas son duvet. Cette situation s’est reproduite mainte et mainte fois, certaines personnes s’énervant devant son insistance à avoir tous les détails d’une situation.
Les émotions
Perception de maman d’un enfant TSA
Beaucoup disent que les TSA n’ont pas d’empathie. C’est totalement faux. D’ailleurs, il déteste qu’une personne souffre autour de lui et s’applique à faire ce qu’il faut pour lui redonner le sourire. Il est difficile pour lui de lire les émotions sur les visages, mais lorsqu’il sait qu’une personne est en train de vivre un moment difficile, il est présent. Par exemple, lorsque j’ai fait un burnout, il n’a pas vu que j’étais à bout. Toutefois, lorsque je lui ai expliqué, il faisait son possible pour m’aider et s’assurer que son comportement ne me fatigue pas plus. Reconnaître les émotions qui l’habitent a été un vrai challenge pour lui. Aujourd’hui, il a appris à les identifier et à les réguler.
Perception de certaines personnes
Impulsif, il exprime autant sa joie que son mécontentement. Il parle fort et tout le temps, sans s’occuper de savoir si c’est le moment de parler ou non, si il coupe la parole ou pas. A l’école, toujours quelque chose à dire et tout de suite … pas le temps de lever la main car le temps que la maîtresse l’interroge, il a déjà oublié sa question/réponse et a déjà passé à autre chose. De plus, expérience faite, lorsqu’il faisait l’effort de lever la main, il n’était que rarement interrogé, cela n’aide pas. En conséquence, mon fils a souvent été catalogué comme irrespectueux ou perturbateur.
Les règles sont « mes règles »
Il suis scrupuleusement les règles qui lui semblent justes. J’insiste sur le « qui lui semblent justes » car je vous défie de jouer au Uno avec lui ! Autant de règles de jeu que de familles. Les règles que je lui ai apprises sont les bonnes … les autres c’est des menteurs ! Au même titre qu’il a intégré que les enseignants ne disent que la vérité … difficile d’aller à l’encontre du prof et de lui dire qu’il s’est peut-être trompé ! De ce fait, on pourrait dire aussi qu’il a une certaine loyauté.
Regard une fois le diagnostic de TSA posé
Jusqu’à son diagnostic, j’avais l’impression que personne ne l’aidait vraiment à trouver des solutions. Il était plutôt montré du doigt. Je sentais même parfois des regards posés sur moi, remplis de reproche quant à l’éducation de mon fils. Regards qui changent radicalement une fois qu’on explique qu’il a un trouble du spectre autistique. Compassion, soutien, aide, compréhension remplacent dès lors l’incompréhension. Faut-il vraiment un diagnostic pour changer la perception que le monde a sur des enfants ayant un comportement étiqueté comme « inadéquat » ? Ne serait-il pas plus simple d’accepter l’enfant tel qu’il est, avec ses forces et ses points à améliorer ? Est-ce ses enfants qui sont inadaptés à notre manière de vivre ou n’est-ce pas plutôt notre façon de vivre qui est inadaptée à ses enfants ?
Les TSA ont une autre manière de percevoir le monde et, j’en suis persuadée, plus vraie et authentique que la nôtre. Si nous faisons l’effort d’écouter et de comprendre, nous avons énormément à apprendre d’eux !
Vous trouverez sur ce lien des informations sur l’autisme et sur son accompagnement.